nice article on Boo Boo Davis by Eric Hauswald was published in CAUSETTE #67:
BOO BOO DAVIS le blues à l’état pur
Tombé tout petit dans la marmite du blues, ce septuagénaire né dans le delta du mississippi a été révélé au public il y a moins de vingt ans. Une voix profonde, sans artifice, à découvrir d’urgence dans un nouvel album. Il y a fort à parier que vous n’avez jamais entendu parler de Boo Boo Davis. En effet, ce bluesman de 72 ans ne sachant ni lire ni écrire ne défraie pas la chronique. Et pourtant… Une voix pareille vous prend aux tripes et vous donne immédiatement le senti- ment que la musique a une âme. C’est exactement ce qu’a ressenti Jan Mittendorp il y a presque vingt ans. Jan est néerlandais, guitariste, passionné de blues et créateur du label Black & Tan Records, qui produit des artistes américains de blues très authentiques. Un jour de 1997, alors qu’il écoute un titre d’Arthur Williams où le batteur chante également, il est saisi par une voix profonde, directe et sans artifice qui se révèle être celle d’un certain Boo Boo Davis. Il entame alors des recherches et réussit à convaincre ce dernier de se tourner vers le chant et d’enregistrer sous son nom, ce qu’il n’avait jamais fait. C’est le début d’une belle aventure. S’ensuivront huit CD dont ce One Chord Blues est un florilège.
Boo Boo, Papa et les futures stars
L’histoire de Boo Boo Davis commence le 4 novembre 1943 à Drew, dans le delta du Mississippi. Cette ville de 1 600 habitants à peine, au cœur de la région la plus sudiste des États-Unis, est entourée de plantations de coton. La ségrégation raciale y est très forte. À l’époque, il n’est pas rare que des policiers blancs abattent arbitrairement des citoyens noirs au prétexte qu’ils ont l’air d’évadés du pénitencier de Parchman, à une douzaine de kilomètres de là. Sale temps pour les descendants d’esclaves.
Sylvester Davis, le père de Boo Boo, cultive le coton et joue de plusieurs instruments. Il accompagne quelques futures légendes du blues comme John Lee Hooker, Elmore James ou Robert Pete Williams, et nombreux sont ceux qui s’arrêtent à la maison pour répéter. Dès l’âge de 5 ans, Boo Boo chante à l’église avec sa mère et joue de l’harmonica. À 13 ans, il se met à la guitare ; à 18, il joue dans le groupe monté par son père et ses frères, le Lard Can Band (Lard Can étant une grosse boîte de saindoux qui fait office de batterie faute d’en avoir une vraie). Au début des années 1960, il part pour Saint Louis (Missouri), où il monte avec ses frères le Davis Brothers Blues Band, groupe attitré du Tabby’s Red Room, un bar où ils joueront pendant presque vingt ans. Après la mort de ses frères, il continue à porter la flamme du blues et s’accommode tant bien que mal de la société moderne.
Sa rencontre avec Jan Mittendorp lui permettra de faire des centaines de concerts en Europe alors qu’il a du mal à se produire aux États-Unis, où les Afro-Américains se sont tournés vers le rap pour exprimer leur blues d’aujourd’hui. Si Jan est un militant de la musique vivante, il est aussi un producteur avisé, donnant aux enregistrements une couleur brute et spontanée qui fait dresser les poils au garde-à-vous.
Les textes de Boo Boo Davis, quasi improvisés dans le studio, sont ancrés dans une dure réalité que sa voix et son harmonica traduisent avec une force peu commune. Sa musique est pre- nante, car il est habité par l’expérience d’une vie peu idyllique, mais aussi par « Dave », son guide spirituel, sa vision personnelle de Dieu, à qui il parle et qui guide tous ses choix.
Comme l’indique le titre de l’album, les chansons sont construites sur un seul accord. Un groove hypnotique embarque l’auditeur dans une sorte de transe que les amateurs d’électro connaissent bien,à ce détail près qu’ici tout est joué à la main. Foi de musicien, une telle épure est un exercice difficile. Une expérience à vivre absolument.